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15 mai 2014 4 15 /05 /mai /2014 16:14

Un nouveau week-end de sortie de masque à Bobo-Dioulasso auquel s'ajoute les essais de tracteurs SOFITEX et les intempéries, ça donne un weekend du 7 au 11 mai ROUGE voire NOIR sur les routes de Bobo-Dioulasso !

Dès ce week-end du 7 mai et jusqu’au lundi suivant, de nombreuses difficultés sont attendues sur les routes de Bobo-Dioulasso, ORANGE au niveau communal. Phacochère Futé voit même ROUGE dans les quartiers de Dioulassoba et Bolomakoté. Il est ainsi conseillé d'éviter ces quartiers. De même, évitez de circuler sur les grands axes.

Phacochère futé réitère sa mise en garde contre les mouvements de foules sur les voies pendant ce mois de sortie des masques. Cette semaine les sorties de masques ont lieu à Bolomakoté et Dioulassoba. Anticipez les enfants qui courent sur les voies pour éviter de se faire chicoter par les masques. Soyez attentifs aux initiés qui encadre la sortie des masques et qui aiment aussi à chicoter les passant. Enfin, attention aux mouvements de foules des jeunes bobolais qui viennent faire la fête à l’occasion de la sortie des masques et qui se fiche bien de la circulation.

Phacophère futé prévoit en effet des ralentissements en raison des essais de tracteurs* le long du boulevard de Bolomakoté. Les paysans participant au projet d’achat de tracteur mis en place par la SOFITEX (société cotonnière) ont reçu leurs tracteurs il y a 2 mois et sont formés en ce moment. La formation pratique s’effectue notamment le long du boulevard de Bolomakoté (dans de magnifiques tracteurs chinois, vert prairie et sans cabine).

Rappel de sécurité

Avec l'arrivée de la saisie des pluies, Phacochère Futé met en garde les conducteurs et rappelle quelques règles de sécurité. Vérifiez le bon état de marche du véhicule, les deux-roues bobolais sont sujets à des problèmes de redémarrage après la pluie. Rappel : avec la pluie les stops, les priorités et les feux tricolores deviennent facultatif même en journée (c’est le cas toute l’année de nuit). Les premiers signes de l’arrivée d’une pluie imminente (vent violent, poussière) entrainent des comportements de paniques sur les routes de Bobo-Dioulasso, sachez les anticiper.

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 18:33
L’idée du siècle pour éradiquer la faimL’idée du siècle pour éradiquer la faim

Ces paquets visent ostensiblement à lutter contre la faim ("stop hunger now"). Ils contiennent un mélange de riz, de soja, de légumes séchés, enrichi de protéines, de vitamines.

Ils ont été distribués dans le village de Dipéo, Burkina Faso. Distribués à tous, sans critère, car l’africain a faim, il est malnutri et il est pauvre par définition. Il n'est pas nécessaire de chercher plus loin ceux qui en auraient besoin.

Personne n’a vraiment compris comment préparer un repas avec ce paquet. Les images sont assez explicites me direz-vous. Pour des européens surement. Sauf que la mesure de l’eau en litre (d’ailleurs chacun sait qu’une grande bouteille d’eau fait 1,5 litre et que les africains achètent l’eau en bouteille…) est une notion totalement étrangère aux femmes rurales. Je ne parle même pas des temps de cuisson. Les femmes – ce sont elles qui font la cuisine – n’ont pas de balance ni de minuteur. Ca semble difficile à imaginer vu des USA. Le concept de recette de cuisine est d’ailleurs un concept occidental, inexistant ici. Pour ajouter à la plaisanterie, les instructions sont en anglais. Elles ne seront donc d’aucune aide, même si ce paquet tombe dans les mains de quelqu’un qui est allé à l’école.

Un packaging de luxe pour lutter contre la malnutrition ! Paquet transparent, refermable par zip, avec un petit sachet à l’intérieur contenant l’assaisonnement ; sans compter la diarrhée d’écriture, de pub et de logo. Le meilleur de la consommation de masse et la cuisine ready-made à l’américaine. Tout à fait entré dans les mœurs des femmes rurales africaines…

Et le meilleur pour la fin : le goût du mélange de riz, soja et légumes séchés, enrichies en protéines et vitamines, est apparemment rédhibitoire. Non seulement ce plat ne correspond pas aux habitudes culinaires locales mais en plus il n’a visiblement pas été étudié pour convenir aux préférences alimentaires des populations ciblées. Ceux – les plus courageux – qui se sont lancés à essayer de cuisiner ce truc étrange sont rares à avoir été jusqu’au bout : à cause du goût.

Serait-ce que les goûts alimentaires ne seraient pas non plus universels ?

Même les bonnes sœurs qui distribuent ces paquets ne sont pas vraiment convaincues du produit. Elles ne l’ont pas testé, elles ne comprennent pas trop ce qu’il contient ou comment préparer un repas avec.

Une personne en a tiré profit. Une femme a patiemment trié les grains de riz du reste des graines du paquet. Elle a utilisé le riz pour son repas et laissé le reste à ses poulets malnutris.

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15 septembre 2013 7 15 /09 /septembre /2013 20:23
La plus belle église du monde
La plus belle église du monde
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8 septembre 2013 7 08 /09 /septembre /2013 19:16

Des drapeaux dans les rues et les illuminations de la fête des indépendances sur les boulevards, depuis hier je me demande bien ce que le Burkina célèbre. Pas de fête nationale en vue, le régime en place n’est toujours pas renversé…

J'entre dans une pharmacie (lieu que l’on fréquente aussi souvent qu’une boulangerie). Et là, les 4 pharmaciens et vendeurs me regardent fixement entrer. J’ai la vague impression de déranger. Je m’aperçois ensuite que ce n’est pas moi qu’ils regardent mais au-dessus de moi : la télé.

Match (de foot, dois-je préciser ?) des étalons, voilà toute l’explication. Et quel est donc l’importance de ce match pour qui les Burkinabè ont sorti leurs drapeaux, remis leurs chapeaux aux couleurs du pays confectionnés pour la CAN et allumé leur télé dans leur commerce ? Pour un match de qualification pour les qualifications du mondial ! Burkina-Gabon.

La grise mine des pharmaciens ne s’expliquait pas tant par mon intrusion que par le match en question : la retransmission TV du match était pire que catastrophique. C’est à peine si on pouvait comprendre qu’il s’agissait de foot. Ironie du sort, la retransmission du match Congo-Niger (à la même heure et dont le score déciderait aussi de la qualification des étalons) ne rencontrait aucun problème. Les pharmaciens avaient décidé de regarder le match Niger-Congo tout en écoutant à la radio le match du Burkina dans une ambiance de mort. Je n'aurai pas voulu être le responsable de la RTB ce jour-là. Les amoureux du foot avaient des envies de meurtres...

En marchant dans la rue je pouvais suivre le match sans problème, chaque commerçant avait sa radio ou sa télé allumée. Hormis le son des radios et des télés, la ville était morte. Chez le mécanicien (où l’on va ici autant qu’à la pharmacie si ce n’est plus), plus personne, aucune cohue, aucun client. On était pourtant samedi après-midi. Je les ai tous découverts dans le recoin d’où venait le son de la télé.

Et tout à coup, la ville à repris vie brusquement dans un délire de sifflets, de klaxons, de courses, de rigolades et d’embrassades : le étalons avait marqué un but ! On se serait cru un soir de grande finale.

La fin de l’histoire c’est la victoire 1-0 du Burkina et sa qualification pour la dernière étape des qualifications du mondial. Selon les jeunes dans la rue, le prochain adversaire du Burkina sera le Brésil ou l’Espagne, au mondial 2014 : à moins que ce soit leur plus grand rêve... !

Les Étalons sont qualifiés pour les barrages de la Coupe du Monde 2014 © Burkina 24

Les Étalons sont qualifiés pour les barrages de la Coupe du Monde 2014 © Burkina 24

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15 juillet 2013 1 15 /07 /juillet /2013 23:19

Une petite ville de l'ouest du Burkina. Mon interprète et moi cherchons des sacs. Des sacs de maïs, de karité ou d'anacardes. Du pois sucré ou du bissap étalé sur une bâche par terre. On cherche des yeux une bascule dans les 6m proches du marché central ; ou un camion en train d'être déchargé.

Nous cherchons des commerçants.

Si nous en trouvons un, nous faisons un entretien avec lui et lui demandons qui sont les autres commerçants. On nous donne des noms ou des surnoms, des indications sommaire sur leur emplacement dans la ville. On part alors à la recherche de M. Ouédraogo ou Sawadogo, de Rasmani ou Adama, de "RCB" (en référence à une équipe de foot locale), "l'armée" ou "Gnou deni" ("petit nez" en dioula), de grand Bouba ou de Solo. Son magasin est derrière le marché, dans le marché ou à côté des neemiers plus loin à droite, le 2ème ou 3ème 6m après Coris Bank ou la station Shell, tournez au kiosque, en face d'une boutique. On demande notre chemin. On cherche des sacs, des sacs de maïs, de karité ou d'anacardes, une bascule, un camion.

Nous le trouvons, nous faisons cet entretien. Nous prenons des noms. La liste s'allonge. Derrière le manguier, à gauche de la mosquée, devant vous après la peule qui vend du riz sauce. Cherche des sacs. Trouve un commerçant, c'est pas Salam mais Abdoulaye. Va pour Abdoulaye, il est commerçant aussi. Entretien. Liste. Sac. Entretien. Sacs. Entretien. Entretien. Entretien.

On a ratissé cette ville. On part dans la suivante. On cherche des sacs. Entretien...

Et puis on nous indique une commerçante, quiproquo, on n'entre pas dans la bonne cour. Elle fait le commerce aussi un peu-un peu. Mais c'est pas Mme Traoré, c'est Mme Ouattara. Elle est griotte, très bavard et très contente qu'on soit venu la voir. On fait un entretien, puisqu'on est là chez elle. Elle est ravie de toute cette attention et elle décide de nous emmener voir une amie commerçante un peu plus loin, puisque c'est ça que nous cherchons. Ce n'est pas une proposition et puis elle nous appelle "mes enfants" et mon interprète l'appelle maman. On dit pas non comme ça à une vieille.

Dédale de ruelle, on est dans un vieux quartier. On traverse des cours, les gens sont en train de dormir sur une natte, trier du maïs ou reconstruire un mur. Il y a pas de sacs. On passe un petit ruisseau, les femmes font la lessive. On continue entre les maisons en banco et les enfants qui courent sous l'ombre des manguiers. Et on arrive dans une cour. Elle nous présente son amie. Salutation. Le vieux de la cour arrive. Salutation. Et la vieille. Salutation. Comme nous sommes des étrangers, on apporte des chaises. On met en place les chaises sous un manguier. Nous nous asseyons. Maintenant que nous sommes assises, on nous présente très officiellement. Nous sommes venues faire un entretien. Les salutations recommencent. Décidément la matinée, la traversée, la fatigue, le travail, la famille et les enfants vont bien.

On peut commencer l'entretien. On invente un peu des questions. Une autre amie arrivent. Les femmes commencent à parler entre elles. Un enfant vient jouer sous ma chaise. Les chats dorment au soleil. Un cochon passe. L'entretien a à peine commencé. Elles répondent à quelques questions, ne sont pas d'accord, se concertent. Et puis elles s'intéressent à l'ethnie d'origine de mon interprète. Elle vient de la même région que le voisin, vraiment quelle coïncidence ! Elles appellent le voisin, on discute. Et puis on dit merci pour la discussion, comme on doit continuer... Pas de problème. Ils nous disent merci et de revenir quand on veut pour discuter.

Merci aussi. Pour la pause et le dépaysement. J'avais presque oublié où j'étais.

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9 juillet 2013 2 09 /07 /juillet /2013 12:24

Monter un projet de développement en Afrique. Belle idée en vérité, mais comment s’y prendre ? La première chose à faire, c’est de rassembler suffisamment de fonds pour payer votre billet d’avion, vos moyens de déplacement et d’hébergement sur place, et des briques pour l’école que vous allez construire dans un village. Pour cela, il faut parler bien, il faut parler vrai. Petit glossaire des développementalistes en herbes :

Développement durable

Jeunes

Participation des communautés locales

Sensibilisation des communautés locales

Local

Formation

Partenaires techniques et financiers

Renforcement des capacités

Décentralisation

Lutte contre la corruption

Désertification

Sahel

Genre

Déforestation

Communauté locale

Sécurité alimentaire

Approche responsable

Responsabilisation des populations locales

Projet

Activités génératrices de revenus

Lutte contre la pauvreté

Evaluation

Vulnérabilité des populations locales

Changement climatique

Alphabétisation

VIH-SIDA

Société civile

Femmes

Malnutrition

Bonne gouvernance

Infrastructure

Empowerment

Gestion des ressources naturelles

Des mots-euros, des mots qui peuvent rapporter gros ! En anglais, en français, faites-vous plaisir ! Dans l’ordre, dans le désordre ! Employez-les dans vos plaidoyers vibrants auprès des bailleurs de fonds (toutes les personnes qui peuvent vous donner de l’argent, depuis votre ami jusqu’au FMI). C’est un langage universel, parlé aussi bien par Christine Lagarde que par les paysans du plus isolé des villages burkinabè.

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6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 12:22

Vous méditez devant le tourbillon d’eau de la baignoire qui se vide ; nu dans votre bain moussant, vous avez soudain une pensée universelle. Les bulles, les vapeurs d’huiles essentielles qui montent à la tête, le luxe en volutes embuent vos réconfortantes certitudes. Cette richesse est-elle bien le fruit de votre mérite personnel ou êtes-vous l’héritier gâté d’une société victorieuse ? Toute cette eau chaude qui s’échappe par le trou de la baignoire, tous ces africains qui n’ont pas accès à l’eau potable…

Les moments de doute, s’ils sont brefs, sont toujours douloureux. Sournois, ils viennent fragiliser tout l’échafaudage des bonnes raisons, les justifications patiemment bâties. Une vie de mise en cohérence. Une vie passée à effacer les contradictions, ces fêlures qui enlaidissent tout l’édifice. C’est bête le doute.

Une côte de bœuf laissée depuis trois semaines dans le frigo est colonisée par les bactéries. Personne n’y a touché, et vous allez devoir la jeter. Et tous ces africains qui crèvent de faim… c’est révoltant !

Les soldes approchent, et le consumérisme compulsif reste pour vous le seul moyen de soulager vos névroses. Et tous ces africains qui traînent pieds nus dans les rues poussiéreuses, sans même pouvoir s’acheter des sandales.

L’Unicef a placardé sur les quais du métro cette photographie horrible d’un gamin sahélien squelettique, dont les grands yeux, de Saint-Michel à Montparnasse, ne vous quittent pas. Vous sentez que les 50€ donnés chaque Noël à Action contre la faim ne suffiront pas à laver vos péchés. Les indulgences ne sauveront pas votre morale qui s’effrite. Luther avait raison.

Vous éprouvez ce sentiment vaguement nauséeux qu’on appelle la culpabilité.

Vous êtes de gauche. Sympathique. Engagé.

LA solution la voilà : montez un projet de développement en Afrique ! Construisez écoles, forages, dispensaires ! Soyez bon, généreux, altruiste !

A suivre...

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3 juillet 2013 3 03 /07 /juillet /2013 20:20

Vu sur le site des services météos burkinabè :

"Info dernière minute : Grand froid en vue. Pull Over et couverture sont fortement conseillés."

Alerte alerte !! On approche dangereusement des 30°C !!

Vague de froid au Burkina
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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 19:20

Vous l’aviez rêvée belle et sale, puante, miséreuse. Les enfants au ventre bombé et au regard vide, les vieillards au squelette apparant… Mais chaleureuse ! Solidaire ! Fraternelle ! Et les tam-tams jouent sur la place du village, et les corps dansent, et la poussière vole, et les mains tapent, et les cœurs chantent !

C’est comme ça que vous l’aviez rêvé ? L’Afrique ! Turbulente dans ses grandes villes, voitures déglinguées, routes défoncées. La loi de la débrouille, ce bon vieux système D, ça ira bien comme ça. No complex, le jour le jour, la vie au présent. Cools ces Africains ! Il est bon banania, très simple, très sympa. Le rasta et son pétard et sa guitare et sa voix déraillée. Le djembé folo aux mains défoncées. La transe des corps. L’Afrique quoi !

L’Afrique éternelle, sauvage, l’Afrique des grands espaces. Les éléphants, les girafes et… les lions ! Terrible le lion ! Et le bébé lionceau, tellement pataud, tellement touchant ! La savane et ses grandes herbes. Il y a aussi la jungle épaisse, les lianes, les torses puissants de Mowgli et Tarzan. L’Afrique dangereuse au bout du fleuve Congo, le chapeau du colon, téméraire et généreux, prêt à affronter les gros moustiques pourvu que sa villa soit bien grillagée.

Sans oublier la femme africaine qui pile en rythme le mil au mortier. Sauvage elle aussi, les seins nus et généreux, qui s’offrent candidement. Attention au SIDA toutefois. Ah le SIDA ! Ce fléau qui va tuer l’Afrique… Mais non, l’Afrique est jeune, dynamique, pleine de talents et d’espoir ! Mais paresseuse, engoncée dans ses traditions, patriarcale et gérontocratique. Si si, le vieux sage africain, sous son arbre, avec sa canne et son dos vouté. Toute la sagesse du monde. S’il brûle, c’est une bibliothèque qui meurt ! Très inflammables les vieillards.

C’est ça l’Afrique dont vous rêvez. Et vous, vous êtes aventurier. Vous partez avec votre sac-à-dos vers des destinations folles et impromptues, dont vous régalerez vos amis aux apéros où vous montrerez votre moisson de photos et d’anecdotes.

Vous, vous êtes colon version Jules Ferry, pardon, jeune-et-généreux-volontaire-qui-vient-sur-le-terrain-pour-son-CV-pout-travailler-ensuite-dans-le-développement, vous voulez construire des écoles, des forages et des dispensaires. C’est bien. Vous êtes bon.

Vous vous êtes colon version Léopold I, pardon, buisnessman éthique, à ne pas confondre avec buisnessman chinois. Les africains sont des assistés, ce n’est pas l’aide au développement qui va les sauver, mais le libéralisme. Les vieux marchés européens sont saturés, les consommateurs obèses ne bouffent plus du Ipad suffisamment vite, vous vous tournez vers l’avenir, vous vous tournez vers l’Afrique et ses marchés. Bien sûr, vous avez des principes. Vous êtes un capitaliste civilisé, riche de deux siècles d’expérience. Pas comme ces sauvages de chinois. Le capitalisme, comme vous le répétez sans cesse, n’est pas l’exploitation de l’homme (noir) par l’homme (blanc) mais l’entraide des peuples par le libre et gai commerce.

Vous posez votre premier pas en Afrique. Vous avez du fric. Suffisamment de fric pour vous payer vos rêves. Donc il n’y a même pas de problème. On frappe les trois coups à la descente de l’avion. Devant vos yeux éberlués, c’est l’Afrique telle que vous l’aviez rêvée qui va se jouer pour vous.

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 18:59

L’ivresse est une ligne de crête. Un savoir-faire dévoyé par certains vulgaires qui confondent cet art subtil avec une course au nombre de litres engloutis. Des bitures qui passé 16 ans ne présentent plus beaucoup d’intérêt.

Non, l’ivresse est une affaire d’adulte, un délicat mélange de contrôle et de perte de soi. Pour arriver au réel entier, à la plénitude des sensations, il faut savoir aller assez loin, mais pas trop. Ca, c’est facile, tout le monde, passé 16 ans et les performances outrancières de l’adolescence, y est parvenu. C’est un état parfait et plaisant, le climax où l’ivresse juste rend le réel beau.

Le très difficile, c’est de prolonger ce point parfait en ligne de crête. L’art de prolonger l’instant. Tout en sachant que l’ivresse, qu’elle soit point ou ligne, a une fin tragique et terrible : le retour au réel falsifié avec mal de crâne. Voilà pourquoi les philosophes appellent à une ivresse sobre. Mais pour nous qui ne sommes pas philosophes, l’alcool est un expédient facile. Nous qui sommes fatigués de penser, nous aimons la facilité.

Chacun est libre de choisir ses armes pour atteindre le climax, mais l’ambiance climatique doit être prise en compte et certaines fautes de goût ne sauraient être commises.

Du titrage alcoolique il faut déduire la quantité et le rythme d’absorption. Adaptons le contenant au contenu :

Le vin, boisson intellectuellement cultivée, n’est absolument pas adapté aux latitudes tropicales. Même le plus léger et le plus frais des rosées est ici lourd et pesant. C’est un alcool tempéré de bonne compagnie, forcément un peu pédant. Le vin flatte l’orgueil, voilà pourquoi son ivresse est agréable… et fausse.

C’est la bière qui s’impose ici comme ailleurs. C’est la boisson mondialisée par excellence : populaire, universelle et qui pourtant possède à chaque fois une déclinaison locale. C’est vrai que la bière est d’abord une affaire de quantité et d’endurance. Rafraîchissante et chaleureuse, la bière coule dans les maquis de Ouaga et des villages. La boisson des salariés. D’ailleurs, à chaque fin du mois, quand les payes tombent, les maquis se remplissent. De 16H à … 23H ? on s’assoit avec ses amis. Chacun paye sa tournée, c’est une question d’honneur. Voilà pourquoi la bière (dont la bouteille standard fait ici 66 cl) est une question de quantité… et de durée. Car on prend son temps pour écouler ces litres. Il faut maîtriser le flot. Souvent, la joyeuse bande d’amis atteint la ligne de crête. Ces alpinistes titubent adroitement sur le fil du discours. Quand un des leurs décroche, la cordée le rattrape en appelant la serveuse : « pssst ! Une nouvelle tournée s’il vous plait ! ». De table en table, la conversation rebondit sur les mêmes thèmes : Blaise et les tous pourris, les mauvais temps de la crise ivoirienne, les derniers tubes de Magic System, et bien sûr, quand la ligne de crête atteint un sommet, les filles, l’amour et l’argent.

Alcools tropicaux

Le dolo est le signe de mon inaptitude culturelle à comprendre les Burkinabés. Cette bière de mil, qui mijote pendant 24H dans les marmites des dolotières à un titrage alcoolique non maîtrisé. De 3° à … 10 ° ? Servi dans des calebasses, son absorption est totalement aléatoire pour le néophyte que je suis. Les ancêtres ont le droit à leur portion. On verse par terre pour eux un peu du contenu de la calebasse avant d’y tremper ses propres lèvres. Avec moi au cabaret, les soirées dans l’au-delà on toujours été généreusement arrosées ! Le dolo ressemble au cidre… mais chaud ! Ce n’est pas pour médire du cidre je connais de très bons producteurs.

Le pastis est un alcool exotique ici, mais qui s’acclimate tellement bien. C’est vrai que la colonisation a eu des effets bénéfiques, pourquoi ne pas le reconnaitre ? De Marseille à N’Djaména, le pastis a réussi à s’implanter magistralement sur les terrasses des deux rives de la Méditerranée et du Sahara. Nos anciennes colonies seront développées quand chacun pourra s’offrir quand bon lui plaira un pastis avec des glaçons. C’est un critère objectif de résultat que je propose d’ajouter dans les grilles d’évaluation des projets de développement des ONG et des bailleurs de fond. J’espère qu’après mon expérience de terrain, je pourrais intégrer les équipes d’experts de la Banque Mondiale. Quel alcool boit-on à Washington DC ?

Le rhum est un alcool persuasif, qui doit immédiatement frapper l’esprit. Pour cela, le servir glacé. Toutefois le rhum reste une boisson océanique, mal adapté aux régions trop continentales. Il acquiert toute sa puissance le soir à 18H, en bord de mer, quand la brise vient calmer les agitations d’une journée trépidante.

Pour les rigueurs continentales, je suppose que la vodka est ce qu’il y a de mieux indiqué. Mais je ne l’ai jamais aimé, je ne la connais pas. Je suppose seulement que sa glace amène la chaleur, l’exact contraire de la bière.

Enfin, il faut souligner les ravages de l’alcool frelaté, vendu en petites quantités assassines. C’est la kalchnikov de l’alcool, mais tourné contre soi. J’ai connu des villages entiers qui à 19H le soir tremblaient nerveusement, les veines pleines de ce poison sifflant comme le serpent. Une anecdote. C’était après Mangodara, après Diarakorosso, après les dernièrs hameaux de Diarakorosso. Loin dans la brousse, nous avions dépassés les derniers champs pour nous enfoncer dans la forêt, à la recherche d’une colline où pâturaient les bœufs. Soudain au loin nous entendons de la musique. De la musique ! Ici, à 200 km de la prise d’électricité la plus proche ! Nous approchons et découvrons une clairière cultivée, avec une cour de paysan lobi. Deux cases, une en banco et une en paille, qui ne passeront peut-être pas la prochaine saison des pluies. Les sachets d’alcool frelaté trainaient par terre. Il était 10H, un vieux se tenait à l’ombre, ravagé. Nous lui demandons où se situe la colline. Il ne comprenait plus rien, ni dioula, ni français. Sa vieille arrive, courbée et zigzagante. Pas mieux. Enfin, elle crie dans la petite case en paille, d’où n’avait cessé de sortir la musique. Son fils en sort, les yeux hagards. Il éteint sa musique, alimentée par un petit panneau solaire. On lui demande où est la colline, il nous répond en hoquetant quelques directions confuses. Découragés nous repartons sur notre moto, tournant et retournant sur les sentiers sinueux de la brousse. J’en ai déjà trop dit sur cet alcool trop fort. Ce texte frelaté m’a fait tomber de ma ligne de crête. Plus dur sera la chute, mais la réalité toujours aussi forte m’enlacera.

La preuve de notre sobriété : nous avons trouvé la petite colline

La preuve de notre sobriété : nous avons trouvé la petite colline

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